Critique : Las chicas están bien
par Júlia Olmo
- Ce premier film d'Itsaso Arana est un film beau et émouvant sur le cinéma comme miroir et mémoire de la vie
Une semaine, en été, quatre actrices et une écrivaine vont dans un village reculé pour répéter une pièce de théâtre, une histoire historique, avec des princesses et des vêtements du XVIIe siècle. Tout au long de ces journées de cohabitation, les filles apprennent à se connaître et à partager leur intimité à travers leurs personnages et les idées que formule la pièce. Voici la prémisse de Las chicas están bien [+lire aussi :
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interview : Itsaso Arana
fiche film], le premier long-métrage d'Itsaso Arana, avec Bárbara Lennie, Irene Escolar, Itziar Manero, Helena Ezquerro et la réalisatrice elle-même, présenté en compétition au Festival international du film de Karlovy Vary.
Las chicas están bien est un conte qui recèle une autre fiction en elle, par un effet de miroir, un conte d'été avec une maison de campagne, un vieux moulin, une rivière, un feu de joie nocturne, un bal populaire de village, des lettres, une grenouille et un prince étourdi, des confessions et des réflexions sur les choses de la vie. C'est un film où l'imagination croise la réalité, des éléments d’époque des choses actuelles, le présent le passé, ainsi que le futur ; un film qui rappelle inévitablement le cinéma d’Éric Rohmer, et pas seulement ses Contes des quatre saisons, mais aussi ses adaptations littéraires. À travers un dispositif simple, avec une certaine légèreté (et de l'humour) dans le ton et la forme, le film d'Itsaso Arana parvient à avoir de la profondeur, à évoquer la complexité de sujets comme l’amour, l’amitié, le désir, la maternité, le fait de grandir, le passage du temps, la solitude, la beauté et ses liens contradictoires avec la tristesse et la douleur, le deuil, la mort, le métier de jouer des personnages, et celui d’écrire.
Une des grandes réussites de la réalisatrice ici réside dans la décision qu'elle a prise d’aborder ces thèmes à partir d'histoires puisées dans la vraie vie des actrices qui jouent dans le film, d’explorer et de mettre en avant toute cette complexité à travers des choses qu’elles ont vécues et à travers leurs points de vue. Ainsi, le film arrive à saisir un peu de vérité, à transmettre un naturel et une émotion généralement difficiles à obtenir. Malgré un léger badinage avec le puéril et le mièvre, en toute naïvité, il n’y a pas d’imposture dans l'intimité qui se révèle ici à nous. Il y a aussi de la complicité entre les comédiennes ; on perçoit entre elles cette familiarité unique qui va de pair avec l’amitié. De fait, le film a quelque chose d'une conversation : à partir des paroles des personnages, elle entame un dialogue intérieur avec le spectateur.
En réalité, Itsaso Arana ne raconte ici rien de nouveau, mais elle le fait de manière personnelle et révélatrice, parvenant du même coup à faire quelque chose de très difficile : bel et bien se rapprocher du film qu'elle se proposait de faire. À travers une mise en scène qui unit des matériels classiques et modernes, une mise en scène attentive aux détails accompagnée d'images stylisées, Arana crée son propre espace filmique. Et cette forme visuellement réussie n'est pas vide : sur le fond aussi, le film arrive là où il cherche à aller, quoique certaines de ces destinations ne soient pas inattendues.
"J’ai un travail étrange et très beau. Avant j’étais saisie d'effroi à l'idée que les films que j’aurai faits me survivent et pourtant, maintenant que tu existes, c'est vraiment beau de se dire cela. Les films sont aussi des lettres adressées à l’avenir", dit Bárbara Lennie enceinte dans un moment émouvant du film. C'est là que réside toute la magie de Las chicas están bien, dans des moments qui, très simplement, disent toute une vérité. Itsaso Arana nous livre ici un film beau et émouvant sur la fiction et la réalité, sur le cinéma comme miroir et mémoire de la vie.
Las chicas están bien a été produit par Los Ilusos Films. Les ventes à l’étranger du film sont assurées par Bendita Film Sales. En Espagne, il sortira le 25 août, distribué par Elastica Films.
(Traduit de l'espagnol)
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