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LOCARNO 2023 Compétition

Ena Sendijarević • Réalisatrice de Sweet Dreams

“C’est mon métier d’apprendre, de m’éduquer et de mieux comprendre ce monde à travers le cinéma”

par 

- La réalisatrice bosnienne résidant à Amsterdam nous en dit plus sur la manière dont elle a réalisé son film en costumes idiosyncratique et discute le rôle du passé dans le présent

Ena Sendijarević  • Réalisatrice de Sweet Dreams
(© Locarno Film Festival)

Après avoir remporté le Cœur de Sarajevo pour son premier long-métrage, Take Me Somewhere Nice [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ena Sendijarević
fiche film
]
, Ena Sendijarević vient de présenter son deuxième long-métrage, Sweet Dreams [+lire aussi :
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interview : Ena Sendijarević
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]
, en compétition internationale à Locarno. Le film se passe sur une île indonésienne lointaine, autour de 1900, quand l’ère coloniale commençait déjà lentement à se diriger vers sa fin. Nous avons rencontré Sendijarević après la première du film pour discuter de la confection de ce récit historique tout à fait singulier et du rôle du passé dans le présent.

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Cineuropa : Take Me Somewhere Nice comme Sweet Dreams sont d’une certaine manière symboliques du passé, pour vous qui êtes née en ex-Yougoslavie et qui avez grandi aux Pays-Bas. Que vous ont apporté, sur le plan personnel, ces deux retours vers le passé ?
Ena Sendijarević :
Une meilleure compréhension du monde, de moi-même et de ma place là-dedans. Nous sommes tous lâchés, livrés à nous-mêmes, sur cette planète, alors ensuite nous essayons de comprendre pourquoi, or la manière la meilleure et la plus facile de le faire, c'est de passer par la connaissance. Et c’est pour cela que je suis vraiment heureuse d'abord de faire partie de l’industrie du film, et deuxièmement d'être réalisatrice et scénariste. C’est mon métier d’apprendre, de m’éduquer et d’essayer d'en comprendre davantage sur ce monde à travers le cinéma. Mais le passé fait partie du présent aussi, donc je ne pas ça tant comme un retour que comme une façon de voir les choses plus clairement et de comprendre d’où elles viennent, ce qui requiert un changement de perspective.

Votre rôle de scénariste-réalisatrice vous met-il en mesure de revisiter ces "présents" et de vous les approprier, d’une certaine manière ?
Approprier oui et non, car je cherche constamment la bonne manière d’entrer (quant à savoir ce que signifie une "bonne manière"...), donc voilà, j'ai une position active, mais en même temps, je reçois des images. Et puis parfois, on peut aussi se sentir plus déconcerté, quand on comprend que les choses sont beaucoup plus complexes qu'on ne le pensait, mais cela peut se transformer en opportunité de faire quelque chose d’encore mieux.

Dans le cadre de vos recherches, vous avez voyagé seule dans plusieurs endroits en Indonésie. Comment cette expérience a-t-elle informé le film ?
J’avais un guide, nous nous comprenions à peine. C’était déjà intéressant en soi, de ressentir ça, en tant que femme européenne. Le climat aussi a eu beaucoup d'effets sur moi : on bouge à un rythme différent à cause de la chaleur, et il y avait des insectes partout. C’était fascinant, de vraiment sentir à quel point tout cela affecte votre corps. Je voulais saisir cette atmosphère et essayer de la traduire dans un langage cinématographique, bien rendre cette lenteur sans qu'elle devienne ennuyeuse. Je voulais que les sons de la nature soient toujours présents en toile de fond, et que les visages des gens transpirent sans discontinuer. Nous avions un petit pulvérisateur que nous utilisions littéralement avant toutes les prises ! J'ai même eu un bobo qui ne voulait pas guérir à cause du climat : ça s'est agrandi de plus en plus, c'est devenu répugnant. Quoiqu'il en soit, ça m'a vraiment fait beaucoup d'effet, psychologiquement, de voir comme l’environnement et le corps des gens interagissaient, surtout en tant que nouvelle venue, comme mes personnages.

Pour en revenir au style visuel du film, il réimagine le passé à travers des angles de caméra, des choix d'objectifs, des cadrages et des formats spécifiques. L'approche formelle peut-elle transformer le passé ?
Il peut nous offrir une perspective différente sur tout, et il peut impliquer le public de manière plus contemporaine. S'il y a une certaine fraîcheur dans l'oeuvre, que le langage que j’utilise pour raconter l’histoire renvoie à l'"ici, maintenant", alors il sera plus facile de construire un pont vers le passé. À l'inverse, quand on regarde un film historique conventionnel, on se dit plus facilement : "Oh, c'était à l'époque ça, c'est loin maintenant".

C’est vrai : c’est bizarre que nous associons à ce point l’Histoire à quelque chose de vieux et différent. L'Histoire, on la fait tous les jours.
Exactement, et c’est pour ça que les grandes œuvres d’art sont toujours pertinentes. On les lit ou on les voit et on leur trouve de la fraîcheur, et on comprend qu'à cette époque, les gens ressentaient bel et bien les mêmes choses que nous. En revanche, si on prend une mauvaise œuvre d’art, elle fait démodée, et les gens se disent : "Oh, c'est vieux ça". Mais je suis totalement d'accord : on n'a pas tant changé que ça.

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(Traduit de l'anglais)

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